« Je ne pensais pas du tout qu’il pourrait faire le rapprochement entre ballon-foot et une personne« .
Il, c’est Soren. Un jeune garçon de 11 ans handicapé par un autisme des suites d’un accident vasculaire cérébral à la naissance.
C’est Emmanuelle, sa maman qui commente les changements de comportements de son fils depuis qu’il a assisté, ainsi que sa fratrie, à une visio-conférence avec l’international de football et champion du monde 2018, Corentin Tolisso.
Les mots claquent d’Emmanuelle, autant par leur crudité que par l’émotion qui s’en dégage. Elle est surprise de l’impact de cette visio « zoom » en mode confinée sur son fils. Sur la page FaceBook qu’elle a consacre à Soren, les vidéos du garçon se succèdent, affichant un quotidien aussi dynamique que désarmant. Soren n’est pas « verbal » comme « ils disent ». Il ne parle pas donc. Mais Soren communique. Il crie parfois, a des gestes saccadés. Jusqu’a présent, Soren ne jurait que par sa ceinture de piscine et sa malette de docteur. D’ailleurs, il tape inlassablement sur sa tablette de son index tendu faisant afficher de manière quasi stromboscopique les images : piscine, malette, malette, piscine… inlassablement, quotidiennement, sans que le ton de voix, le sourire et la patience d’Emmanuelle ne semblent émoussés. Voilà le quotidien d’Emmanuelle.
Soren et les siens sont doublement confinés. D’abord par cette épidémie dont le caractère anxiogène maximise les troubles du garçon, et surtout par le regard fuyant notre société sur la question du handicap.
Emmanuelle, comme beaucoup d’autres familles ont subi le confinement de plein fouet. Les établissements accueillants quotidiennement leurs enfants ont pour la plupart fermé sans proposer de solutions de prise en charge notamment pour les soins et activités des enfants. Elles ont fait face, souvent seules et isolées.
Une aide indispensable pour les familles
Astrid, maman de Gabin (11ans) développant des troubles autistiques a vécu cette période comme un traumatisme, et le déconfinement s’annonce tout aussi compliqué. Bien que l’Institut Médico-Educatif de Gabin ait rouvert ses portes, elle n’a pu bénéficier que de quelques heures par semaine quand l’amplitude de la prise du garçon s’étendait de 8h à 17h.
Quelques heures, c’est un début, mais pourra-t-elle tenir après 2 mois confinés ?
Car pour nombre de familles avec des enfants en situation de handicap, le déconfinement reste un mot. L’IME de Soren a certes rouvert, mais Emmanuelle doit exceptionnellement assurer les trajets de son fils vers le centre : 80km par jour quand elle a également ses filles à gérer. Bref toute une organisation.
Alors quand l’association Grandir Ensemble a décidé, à la hâte de mettre en place une plateforme d’écoute et d’aide pour les familles d’enfants en situation de Handicap au moment du confinement : c’est une bulle de répit qui s’est formée.
Emmanuelle, Astrid et plus de 8200 familles ont bénéficié d’accompagnement de volontaires salariés et bénévoles, éducateurs spécialisés pour la plupart, trouvant des solutions rapides et efficaces pour les courses, le soutien via des visio-conférence , et surtout la mise en place d’heures de répit dans un quotidien confiné.
Sur demande des familles éreintées, fragilisées, Tous Mobilisés mandate, par exemple, la venue d’une auxiliaire de vie directement au domicile des familles pour prendre en charge, quelques heures par semaine, leur enfant en situation de handicap. Evidemment, tout cela dans le respect strict des conditions sanitaires et des gestes barrières. C’est également la plateforme qui assure l’ensemble des démarches administratives de remboursement des frais au nom des familles.
58% des familles ayant fait appel à la plateforme sont monoparentales et 41% d’entre elles ont un enfant avec des troubles autistiques. Pour certaines familles, ces heures sont une question de survie comme elles ont pu le confier aux écoutants de la plateforme.
Un soutien de coeur et de poids : Corentin Tolisso
De façon tout à fait atypique, ce répit prend également la forme de visio-conférence avec le champion du monde de football Corentin Tolisso. Confiné à Munich, il participe activement à 3 « zooms » hebdomadaires avec les enfants en situation de handicap, leur fratrie et les parents. Si le jeune homme de 25 ans a tenu à s’impliquer auprès de Tous Mobilisés, c’est parce que la question du handicap fait partie intégrante de son éducation. Sa mère, longtemps directrice de centres spécialisés, a très tôt sensibilisé son fils au handicap, au regard posé sur l’Autre. Corentin Tolisso en a été profondément marqué. Aujourd’hui, il souhaite mettre non seulement sa notoriété mais aussi son temps au service de ces familles.
Ces visios sont une formidable respiration pour tous. 1h30 de discussion avec 3 ou 4 familles qui vivent ce moment comme un cadeau. C’est à coup de chansons de Soprano que Corentin déploie son énergie dans une ambiance bienveillante avec les enfants. Très vite, les questions fusent » Qui est ton joueur préféré ? » « Ca fait quoi de gagner la Coupe du Monde »… Le sourire franc de l’international ne se départit jamais même quand il s’agit d’expliquer pourquoi il tient à être là.
Extraits :
Ce garçon si jeune pourtant a les mots justes, son intelligence humaine me bluffe et je n’ai jamais vu mon Gabin tenir aussi longtemps derrière un écran. Astrid (maman de Gabin, autiste)
Ils nous a mis des étoiles dans les yeux ! Nous sommes encore sur notre nuage, Paul ne fait que parler de cela. Dans notre confinement, il nous a apporté un répit de plusieurs jours. C’était magique.Benoit (papa de Paul, trisomique)
Iwan joue d’habitude à Lego sur la PS4 alors que ses frères sont plutôt FIFA. Depuis sa rencontre avec Corentin, il ne fait que jouer à Fifa avec ses frères et choisit le personnage de Corentin pour les match. C’est incroyable pour nous. Iwan adore voyager, et nous a demandé de prévoir un voyage à Munich pour voir jouer Corentin. Dorothée (maman d’Iwan, polyhandicapé qui s’exprime avec une synthèse vocale)
Corentin Tolisso, c’est mon joueur préféré. J’ai son poster dans ma chambre. Quand j’ai su que je pourrais rencontrer Corentin, grâce à mon frère, je l’ai serré dans mes bras. Et depuis, on joue ensemble à Fifa et Iwan choisit Corentin comme joueur, alors qu’on n’avait jamais joué ensemble avant. On ne joue pas aussi vite, mais je lui dois bien ça : il m’a permis de rencontrer mon idole. Je suis fier de mon frère ! Maël (56)
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