Je t’avais déserté mon cher atelier d’écriture… Me revoilà avec une immense envie d’écrire.La photo que tu nous offres chère bricabook m’inspire beaucoup. Et comme toujours, ce texte se relie parfaitement à mes rencontres du moment.
Pour ceux qui découvre l’atelier d’écriture, je rappelle les règles : Bricabook propose une photo et les participants à l’atelier d’écriture s’en inspirent pour raconter une histoire.
Voilà la mienne et sa version audio.
———————————————————————
Le cri du réveil-matin déchire le peu de sommeil accumulé.
D’un mouvement de bras développé à l’extrême et avec une grâce infinie, Ines, atteint le bouton d’arrêt.
Stop – Voilà que sa journée commence.
Son dos se cambre pareil à un chat qui s’étire. Ses yeux sont encore lourds de rêves d’arabesques. Puis, délicatement, elle appuie chacune de ses vertèbres dans un élégant déroulé et accueille leur existence au contact du matelas. Maintenant, ce sont ses cuisses qui se tendent dessinant une musculature fine et harmonieuse.
Le froissement des draps cache un manège enchanteur : celui de ses pointes qui s’entrelacent et celui de ses chevilles qui s’entrecroisent dans un parfait battement étoilé.
Elle regroupe son corps, s’assoit au bord de son lit. Elle ouvre enfin les yeux et salue avec déférence ses 3 icônes punaisées au mur de sa chambre qui veillent sur elle depuis 4 ans. D’abord, les yeux de la danseuse cubaine Alicia Alonso qui ne voient plus que la beauté magnétique de Noureev. Et le danseur russe semble développer son corps vers celui de l’inclassable Sylvie Guilhem.
Inès se lève. Première. Petit Pas chassé.
Tel un petit rat, elle File vers la salle de bain pour une toilette de chat.
Seconde. Direction cuisine. Cabriole.
Elle croise l’ombre de sa mère parcourue par l’usure de l’inquiétude.
L’inquiétude de toutes ces nuits sans fils. Et notamment, cette dernière qui vient de fuir avec fracas emportant Mika dans un fourgon blindé. Inès l’enveloppe de ses bras frêles. Hier, c’est un trafic de drogue qui a été démantelé ici à la Castellane. A sa tête, son frère. C’est la 3eme fois qu’il tombe. Inès et sa mère savent que cette fois-ci c’est le chant du cygne.
Habillée pour l’école, Inès embrasse sa mère et virevolte jusqu’à la porte de l’appartement, comme si rien ne l’atteignait. Ces rapides pirouettes au rythme de la flexion de ses genoux dissimulent ses yeux mouillés. A mesure que sa tête tourne pour assurer l’équilibre de ses rotations, ses larmes percutent dans un fouetté les murs du couloir. Rien n’arrêtera Ines. Ni son frère, ni la douleur de sa mère, ni l’absence d’un père, ni toutes ces « circonstances » qui devraient créer le berceau d’un déterminisme. Non. C’est celui d’une détermination qu’il construit. Elle continuera la danse. La rage enfouie dans son justaucorps, elle la transcende en beauté de mouvement, en cri du corps, en formidable jeté dans la vie. Elle quitte l’appartement exigu situé au 9 étage. Elle emprunte les escaliers. Cale ses talons presque parallèles aux marches, fléchit, sautille, dévale les étages : c’est l’échappée.
Elle longe la route ponctuée de nid de poules. Son bus arrive. Dans une glissade légère, elle grimpe. S’assoit et regarde le paysage défiler. En levant les yeux vers le ciel, elle aperçoit les entrechats aériens du grand Rudolf bondissant de nuages en nuages.
Au détour d’un virage, son cœur bat plus fort. Comme chaque matin d’école, le bus passe devant la façade d’une maison où se dresse cette immense photo à la gloire de son quartier : Zinédine Zidane.
Inès le sait. Un jour, c’est elle qui triomphera sur les murs de son quartier.
Elle, La Ballerine de la Castellane.
14 commentaires
J’ai beaucoup aimé votre texte, Elsa, il est si visuel à travers vos mots ! Je suis amusée de voir que notre imagination a creusé des histoires assez proches à partir de cette photo !
Belle journée !
Un texte plein de peps malgré les aléas d’une vie difficile. On se sent porté par les rêves d’Inès.
Une écriture très fluide avec de belles références
Pas facile de vivre dans la cité, de subir les erreurs des uns et des autres mais Inès est courageuse et elle en veut! Un beau combat que j’espère elle mènera loin.
Quelle merveille ton texte Elsa que j’ai écouté avec un immense plaisir ! J’ai vu Inès à travers la description minutieuse et pleine de sensualité que tu nous as faite, j’étais plongée dans l’histoire avec les problèmes du frère et j’ai vu danser tes références ! Un pur instant de bonheur ces 4minutes05 d’écoute. Et dans ton intro, cette partie fit écho en moi « Et comme toujours, ce texte se relie parfaitement à mes rencontres du moment. »
J’aime beaucoup la version audio, où on se laisse bercer par notre voix. Si j’étais aveugle, c’est celle que je chercherais à travers la bibliothèque de livres audios. Tous ne naissent pas égaux, c’est une évidence et j’ai beaucoup d’admiration pour ceux et celles qui font naître du beau là ou en apparence il a fuit vers les beaux quartiers.
Je suis ravie que la version audio vous ait embarqué ! Et que l’intention de ce texte vous parle. Merci de vos jolis mots qui me touchent beaucoup.
Quel plaisit NAdy de te relire en commentaire. J’étais partie en vacances littéraires pour des vacances vidéastes ! Merci de tes encouragements et de me suivre dans mes délires de plumes. Je vais m’empresser de te lire. A bientôt
je suis sure qu’elle ira loin… c’est écrit d’ailleurs puisqu’elle est déjà sur ce mur ;-)))
Merci beaucoup Marie
Je vais vite aller lire cela alors. Merci d’avoir pris le temps de lire les entrechats d’Ines
Bien contente de retrouver ta plume au détour de cet atelier. Un beau message encore dans ton texte : celui de la possibilité de s’en sortir grâce à une volonté accrue par la dureté de la vie ! Merci pour cette agréable lecture !
Ohhhh mais quel joli retour ! Je crois bien que c’est ton texte le plus sensuel … de superbes images du corps ! ♥
Merciiiiii :-))) coeur avec les doigts
Merci Josiane ! Quel accueil !!! des bises